Paléo Cash Machine
- OPINION • Le Paléo est-il une «machine à fric» s’enrichissant sur le dos des bénévoles? Une polémique presque aussi vieille que les têtes d’affiche de l’édition 2016.
En 2010, Michael Drieberg, directeur de Live Music, accusait déjà publiquement Daniel Rossellat, patron du Paléo, de «gagner beaucoup d’argent» sur le dos des 5000 travailleurs gratos du festival. Et contraignait le Paléo à révéler ses comptes: un chiffre d’affaire de 20 à 30 millions, près de 600’000 francs annuels de recettes, un bénéfice cumulé de plus de 4 millions sur dix ans (dont la moitié réalisée grâce à des placements financiers) et des réserves pour plus de deux millions. A priori, suffisamment pour que les organisateurs s’octroient une prime annuelle de 10’000 à 25’000 francs (en plus de leur salaire, bien sûr), mais pas assez pour rémunérer les volontaires. Mystères de la finance…
«Je préfère avoir des bénévoles respectés et heureux que des employés sous-payés et mécontents», rétorque Daniel Rossellat à ses détracteurs. Il faut dire que le système mis en place par le syndic de Nyon est un habile montage financier au centre duquel se trouve l’association à but non lucratif (sic) du même nom, qui réinvestit ses bénéfices dans plusieurs sociétés externes, dont elle est actionnaire majoritaire. Parmi celles-ci, Opus One, principal concurrent de Live Music sur le marché de l’organisation de concerts en Suisse romande, régulièrement accusé par ce dernier de concurrence déloyale.
Programmation sans surprise
L’affiche de la 41e édition de Paléo sera une fois de plus décrite par des journalistes curieusement peu enclins à faire preuve d’esprit critique (il faut dire que Paléo sait les gâter – voir ci-dessous) comme «éclectique» pour ne pas dire incohérente, «fédératrice», pour ne pas dire tutti-frutti, et présentant des «valeurs sûres» pour ne pas dire gériatrique, du moins pour certaines têtes d’affiche. A noter que deux des soixantenaires têtes d’affiche francophones, Polnareff et Cabrel, joueront à Sion deux jours avant, et que les Anglais de Muse seront également à Montreux et au Gurten.
De toute façon, la programmation n’est plus qu’un facteur très secondaire du succès de Paléo, dont les billets s’arracheraient comme chaque année en moins d’une heure même sans qu’elle ne soit dévoilée. Les 90% d’habitués qui y reviennent fidèlement savent bien qu’il y aura forcément un nom ou l’autre qui conviendra à chacun, entre une bière et une barquette de nouilles thaïes. C’est le principe même d’un festival éminemment «populaire» et familial, qui a fait du saupoudrage le principe de base de sa programmation.
Il y aura donc comme d’habitude quelques vieilles gloires franchouillardes exhumées: Louise Attaque, Les Insus (ex-Téléphone), Souchon, Voulzy et quelques nouvelles stars télévisuelles : Louane, Fréro Delavega. Il y aura surtout beaucoup, énormément de groupes et d’artistes français, en majorité désormais, le syndrome du responsable RH frontalier appliqué à la programmation musicale. De la chanson française, donc, avec Vianney, Alex Baupain, Aliose, GiedRé ou le bizarre Flavien Berger ; beaucoup de (bonne) electro pop frenchy, avec Synapson, AaRON, Grand Blanc, Hyphen Hyphen, Lili Wood & The Prick, The Avener, ou l’impressionnant Fakear ; du rap français avec Caribbean Dandy, PihPoh, Guizmo, les rigolos Bigflo & Oli et l’étonnant Abd Al Malik.
Et sinon, il y aura aussi Iron Maiden, Massive Attack et Boyz Noise.
Paléo, finalement, c’est avant tout le grand giron lémanique, la kermesse bobo-terroir qui sait soigner ses presque 600 journalistes accrédités (voir ci-dessus) et ses nombreux partenaires économiques et politiques avec une zone VIP constituant presque un festival dans le festival, ses propres bars ouverts 24h sur 24h, ses restaurants confortables et ses fêtes privées qui se poursuivent bien après le couvre-feu officiel. Bref, un business qui tourne.