Potions et poisons
La série de Netflix « L’industrie du bien-être : potions et poisons » présente un tour d’horizon passionnant de six tendances wellness, à travers une approche sans parti pris, donnant autant la parole aux scientifiques et aux sceptiques qu’aux adeptes convaincus.
Un(Well), « L’industrie du bien-être : potions et poisons » pour le Netflix français, explore six tendances wellness : les huiles essentielles, le sexe tantrique, le lait maternel humain, le jeûne, l’ayahuasca et la thérapie de piqûres d’abeilles. Chaque épisode respecte, dans les grandes lignes, la même structure : le générique s’ouvre sur quelques phrases-chocs tirées des interviews qui vont suivre, exprimant des points de vue radicalement opposés (« Cette intervention m’a sauvé la vie… », « Cette intervention est dangereuse ! »). Le spectateur fait ensuite connaissance d’une ou plusieurs personnes ayant une foi absolue en la pratique (et, parfois, en tirent un revenu conséquent…), qui expliquent comment celle-ci a changé, voire, dans certains cas, sauvé leur vie. Des scientifiques offrent, à leur tour, un contrepoint en mettant en garde contre les dangers, les excès, ou, au mieux, l’inutilité d’une telle intervention. La série ne craint pas de montrer les aspects négatifs, même « mortels », de l’industrie du bien-être et donne la parole à des personnes ayant souffert des conséquences de traitements « pseudoscientifiques dangereux » – par exemple le témoignage d’une femme dont l’époux est décédé après un mois de jeûne sans encadrement médical au Costa Rica, ou le cas d’une retraite tantrique en Thaïlande dont le gourou roumain est aujourd’hui accusé d’abus sexuels par des jeunes femmes venues y chercher l’illumination.
Enfin, chaque épisode suit un protagoniste qui s’intéresse à la pratique, l’expérimente et semble y trouver la solution à ses problèmes – à tout le moins, l’espoir.
Une approche neutre…
La série observe mais ne juge pas et refuse de prendre parti, une neutralité assez inhabituelle de nos jours pour en devenir surprenante. (Un)Well met en garde contre les excès et les dérives de l’industrie du bien-être, insiste sur la nécessité de conserver un certain esprit critique mais ne condamne d’emblée aucune pratique, aussi peu rationnelle et scientifique puisse-t-elle paraître. Expose les aspects les plus sombres de chaque tendance mais les contrebalance par des témoignages positifs, peut-être anecdotiques, mais néanmoins bien réels.
…ou ambigüe ?
Refuser un traitement invasif ou chimique, préférer des thérapies alternatives est un choix qui peut avoir des conséquences sérieuses, voire fatales, la série le démontre abondamment. Mais elle montre également des thérapies parallèles qui semblent avoir réussi là où la médecine moderne était inopérante… si on choisit de le croire. Telle la responsable d’un réseau pyramidal de vente d’huiles essentielles qui proclame que sa tumeur cérébrale a disparu grâce aux huiles. Ou cet homme qui, ayant refusé d’être opéré pour une hernie, affirme avoir guéri grâce aux piqûres d’abeilles. Ou cet autre, encore, dont le cancer de la prostate est entré en rémission depuis qu’il consomme du lait maternel humain…
Les huiles essentielles n’ont peut-être, selon certains, qu’un effet placebo, mais la jeune fille autiste semble mieux dormir. Le sexe tantrique n’est peut-être qu’une invention occidentale permettant tous les abus, mais une seule séance a aidé cet homme à affronter ses traumatismes. L’ayahuasca, puissante plante hallucinogène autrefois réservée aux chamans, combinée avec certains médicaments peut conduire à une crise psychotique aigüe, mais cette femme est néanmoins parvenue à faire le deuil de son mari et de sa fille grâce à ce psychotrope.
Au spectateur d’en tirer ses propres conclusions, selon ses propres convictions. Et de répondre pour lui-même à la question centrale : au final, si cela fonctionne, n’est-ce pas là l’essentiel ?
Lars Kophal