Communiquer à la vitesse de la lumière
Allumer sa lampe de bureau pour se connecter : c’est ce que promet le LiFi, une technologie française qui ouvre de nouvelles perspectives pour l’ère des objets connectés, tout en se passant des ondes électromagnétiques et de leurs effets potentiellement nocifs.
Jusqu’à cent fois plus rapide que le WiFi
Le LiFi (pour Light Fidelity) est une technologie de communication sans fil via la lumière. Alors que le WiFi utilise la partie radio (invisible) du spectre électromagnétique, le LiFi utilise sa partie optique (visible).
Son principe s’apparente au morse : en modulant l’intensité de l’éclairage émis par une ampoule LED, le système code les informations en langage binaire. Cette scintillation incroyablement rapide (jusqu’à un milliard de microvariations par seconde !) est imperceptible par l’œil humain, mais permet de transmettre des données à la même vitesse que l’ADSL et dix fois (voire, théoriquement, cent fois) plus rapidement que le WiFi.
Un système LiFi est donc composé de deux éléments : un petit boîtier électronique fixé à une lampe qui fait clignoter les LED et transforme les données en signal lumineux et un photorécepteur, intégré à une clé USB branchée sur l’ordinateur ou la tablette, qui le reçoit et le traduit.
Le développement du LiFi est directement lié à celui des ampoules LED, seules sources de lumière (avec les lasers) à pouvoir commuter aussi rapidement. Ce qui explique en partie pourquoi cette technologie, développée depuis une quinzaine d’années déjà par les chercheurs des universités de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, Tokyo et Edimbourg, est longtemps restée confidentielle. Mais avec la généralisation de l’éclairage LED, les choses sont en train d’évoluer rapidement.
De nombreux avantages…
Le LiFi présente de nombreux avantages : le premier est sa rapidité. Depuis 2009, le volume des données transmises sans fil a été multiplié par dix et la bande passante du WiFi commence à être saturée. La vitesse de transmission du LiFi pourrait résoudre ce problème, en atteignant (théoriquement, pour l’instant) 1gb/s, soit un film de qualité Blu-ray téléchargé en… cinq secondes. (Les produits LiFi disponibles aujourd’hui proposent déjà des débits de100 Mbit/s en débit descendant et 40 Mbit/s en flux montant PAS UTILE A MON SENS)
- Gratuit : l’utilisation de la lumière est gratuite et non régulée, contrairement à celle des fréquences radio. Le LiFi représente un surcoût d’éclairage minime. De plus, une seule et même lampe peut être utilisée à la fois pour s’éclairer et pour se connecter.
- Compatible : La lumière n’interfère pas avec les fréquences radio, ce qui assure la compatibilité du LiFi avec la WiFi et la 4/5G.
- Ecologique et non nocif : l’absence d’ondes électromagnétiques ne peut que séduire les personnes électrosensibles. Et même plus : les ondes lumineuses seraient bénéfiques à certaines fréquences. Le premier kit grand public à installer chez soi est commercialisé par l’entreprise Lucibel, pour 1600 euros.
- Universel : le LiFi permet de connecter à Internet des lieux qui en étaient privés, par crainte des interférences, comme les hôpitaux ou les avions, ou parce qu’inaccessibles comme les parkings souterrains.
…et un inconvénient majeur
Sécurisé… mais limité : la lumière, contrairement aux ondes radio, ne traverse pas les murs. C’est à la fois le grand inconvénient et le principal avantage du LiFi. Un avantage, car cela permet d’assurer un cloisonnement hermétique des données sensibles à l’intérieur d’une seule pièce, sans risque de piratage à distance. Cette solution intéresse les banques, les centres de recherche et développement, les gouvernements et toutes les industries dites sensibles.
Mais cette caractéristique limite évidemment l’usage du LiFi. Un utilisateur en plein air ne pourrait se connecter qu’en se plaçant sous un lampadaire équipé et allumé et son appareil devrait en outre être protégé par des filtres optiques des interférences naturelles provenant de la lumière du soleil ou d’autres sources lumineuses. De plus, un récepteur LiFi ne capterait pas le réseau en étant dans la poche d’un vêtement, par exemple. Cette limite majeure fait du LiFi un complément au WiFi, plutôt qu’un remplaçant potentiel.
Hôpitaux, musées, gares : les premières applications
Le LiFi n’en est encore qu’à ses débuts mais il a déjà été testé dans différents lieux comme des hôpitaux, le métro et des magasins, en France surtout. Ainsi dans le nouvel écoquartier Camille-Claudel, à Palaiseau dans l’Essonne, chaque lampadaire est associé à un code qui, lorsqu’il est lu par un smartphone, ouvre une application fournissant des informations spécifiques à l’emplacement. Dans un avenir (hypothétique) où les smartphones seront équipés, ce seront directement les informations, et non seulement un code, qui pourront être envoyées via la lumière.
En 2016, le Musée français de la Carte à Jouer, à Issy-les-Moulineaux, a remplacé les audioguides traditionnels par des tablettes équipées d’un récepteur LiFi. Pour obtenir les informations, les visiteurs n’ont qu’à se placer avec la tablette connectée sous les lampes situées au-dessus de chaque œuvre.
Le Centre hospitalier de Perpignan a été le premier établissement à avoir déployé des lampes LiFi dans son service d’urgences. Le réseau permet aux médecins d’avoir un accès sécurisé aux dossiers des patients, et à ceux-ci de se connecter à internet, sans ondes radiofréquences (interdites dans les centres hospitaliers depuis 2015). Les médecins de l’hôpital Stell à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) l’utilisent également pour consulter les données de leurs patients en salle d’opération, de façon là encore sécurisée, sans risquer de perturber les appareils chirurgicaux. Toujours à Rueil-Malmaison, c’est en LiFi que les visiteurs de la médiathèque se connectent pour surfer sur le Web.
Rester connecté jusque dans les airs
La technologie LiFi pourrait également s’avérer utile dans les gares ou encore les aéroports. La SNCF et la RATP songent à utiliser cette technologie pour les personnes malvoyantes. En acceptant d’être géo localisées via LiFi, celles-ci pourront être guidées pour traverser un tunnel, se rendre sur un quai ou se présenter à une porte d’embarquement.
Pour le transport aérien, le LiFi élimine les risques de piratage des systèmes de communication et d’interférences. Air France a testé en 2018 la toute première cabine équipée de LiFi, permettant une connexion à très haut débit dans les airs tout en supprimant 60 % du poids en câbles nécessaires pour connexion WiFi.
Un marché a 75 milliards de dollars
Le LiFi, malgré ses limitations, pourrait ouvrir de grandes perspectives pour l’ère des objets connectés, puisqu’on estime à 14 milliards le nombre de points lumineux dans le monde. Le marché mondial du LiFi pourrait ainsi atteindre près de 75 milliards de dollars à l’horizon 2023.
Le saviez-vous ?
La première démonstration de communication optique date de 1880, quand Alexander Graham Bell, connu pour l’invention du téléphone, présenta son photophone, capable de transmettre sur plusieurs centaines de mètres le son de sa voix en utilisant la lumière du soleil. Ce fut la première technique de communication sans fil, bien avant l’apparition des communications radio, qui feront passer aux oubliettes le photophone.