Et la lumière fut… en toute simplicité
Un verre d'eau et un peu de sel. C’est (presque) tout ce dont a besoin la lampe écologique imaginée par une ingénieure des Philippines. Plus rudimentaire encore, la solution conçue par deux designers anglais est actionnée par la gravité. Des idées lumineuses.
Aux Philippines, un archipel de près de 7000 îles, l’accès à l’électricité est loin d’être une évidence : dans les provinces reculées, de nombreux villages ne disposent pas de générateurs, et a la nuit tombée les familles s’éclairent encore à la lampe à pétrole, ou à la bougie, avec tous les risques d’incendie que cela implique.
C’est lors d’un séjour au sein d’une tribu montagnarde isolée que l’ingénieure Lipa Aisa Mijeno, formée à l’Université De La Salle à Manille et membre de Greenpeace, a eu l’idée d’une lampe durable, non polluante et sûre, qui n’aurait besoin pour fonctionner que de deux éléments, disponibles dans n’importe quelle cuisine: de l’eau et du sel. Ou plus simplement encore, d’un verre d’eau de mer.
Sa lampe, baptisée SALt (pour « Sustainable Alternative Lighting ») produit de la lumière huit heures par jour, pour autant que l’on remplisse la cathode (l’eau et le sel) quotidiennement et que l’on remplace l’anode (une tige de métal) tous les 6 mois. Équipée d’un port USB, SALt peut même recharger les smartphones.
La « lampe à eau de mer » a beaucoup fait parler d’elle après le sommet de coopération économique Asie-Pacifique de 2015 aux Philippines, lorsque Barack Obama l’a mentionnée, et a valu à sa créatrice de nombreux prix, dont celui d’entrepreneur asiatique de l’année au Japon. Mais qu’en est-il depuis ?
Production, distribution : les casse-têtes de la logistique
La dure réalité à laquelle s’est heurtée la belle idée de SALt, c’est que ce n’est pas réellement l’eau salée qui produit l’électricité nécessaire au fonctionnement de la lampe : l’eau agit simplement comme un électrolyte qui facilite la circulation des électrons dans une batterie dite « métal-air ». Le premier défi consistait donc à mettre en place une chaîne d’approvisionnement pour les tiges métalliques de cette batterie, devant être remplacées deux fois par an. Celles-ci doivent être soit importées, soit usinées localement, puis (et c’est le plus compliqué dans un pays comme les Philippines) distribuées comme pièces de remplacement jusque dans les îles et zones les plus reculées du pays.
Le second problème, et sans doute le plus rédhibitoire, est son coût de fabrication et son prix de vente. Fixé à 999 pesos (17 euros), celui-ci reste élevé pour un système d’éclairage aux Philippines, surtout destiné aux plus pauvres.
Le solaire : oui, mais…
C’est pourquoi la solution, remarquable de simplicité (mais rendue possible par les dernières avancées techniques), imaginée par deux Anglais, Martin Riddiford et Jim Reeves, représente peut-être une alternative plus pratique, crédible et rentable.
Tout avait commencé en 2009, quand leur cabinet de conseil londonien avait été mandaté par l’association caritative SolarAid. La mission : développer une lampe solaire à très faible coût – moins de 5 dollars.
Les deux « design consultants » avaient rapidement dû se rendre à l’évidence : au coût actuel des batteries et des panneaux photovoltaïques, impossible de créer une lampe solaire à ce prix. Mais alors, vers quelle autre source d’électricité, vers quelle technologie se tourner ?
Après plusieurs mois de grattage de tête intensif, la solution est apparue, vieille comme le monde : la gravité. Une énergie stable, universelle, renouvelable et gratuite. De loin pas une idée nouvelle – les contrepoids des pendules à coucou traditionnelles, qu’il faut remonter régulièrement, utilisent ce principe depuis plus de 170 ans – mais qui n’aurait pas été applicable sans l’amélioration spectaculaire de la technologie LED ces dernières années.
Ni batterie, ni coûts
La lampe à gravité est donc une lampe à LED, rechargeable manuellement en quelques secondes pour une demi-heure d’éclairage environ : il suffit de remonter un sac lesté (de pierres, sable ou terre…) qui actionne une dynamo en descendant lentement sous l’effet de la gravité. La « GravityLight » ne contient pas de batterie, et une fois installée ne génère aucun coût.
Financée par une campagne participative en ligne sur le site Indiegogo, la première version a été testée dans des communautés reparties dans une vingtaine de pays, et les remarques des participants à l’essai ont été utilisées pour améliorer sa conception et ses performances avant son lancement commercial.
Produite et distribuée au Kenya, la GravityLight a depuis l’an passé été supplantée par sa troisième version, la « NowLight » qui permet également d’exploiter l’effort humain : en tirant sur un cordon pendant seulement une minute, les utilisateurs peuvent générer plus de 2 heures de lumière et charger des appareils via ses ports USB. Polyvalent, la Nowlight peut également être connectée au secteur, là où celui-ci est disponible… ou à des panneaux solaires.
Lars Kophal