Le droit à mourir dignement
Il existe au moins trois définitions légales de l’euthanasie, qui recouvrent trois situations différentes : l’euthanasie passive, qui consiste à laisser mourir le patient en stoppant son traitement ; l’euthanasie active, dans lequel l’équipe médicale administre au patient la substance qui va provoquer sa mort ; et le suicide assisté, dans lequel c’est le patient lui-même qui prend la dose létale.
L’euthanasie active volontaire, qui consiste à mettre fin à la vie d’une personne à sa demande, afin de la soulager de ses souffrances, est légale en Belgique, au Luxembourg, aux Pays-Bas, en Espagne, au Canada, en Colombie, en Nouvelle-Zélande et dans certains états d’Australie. Le suicide assisté, ou le médecin se contente de rédiger une ordonnance pour une dose médicamenteuse mortelle, est autorisé dans ces même pays, mais également en Suisse, en Autriche, et dans 11 états américains. Les Cours constitutionnelles de Colombie, d’Allemagne et d’Italie ont légalisé le suicide assisté, mais leurs gouvernements n’ont pas encore légiféré ni réglementé sa pratique.
Les personnes qui sollicitent l’aide au suicide doivent répondre à certains critères : être atteintes d’une maladie en phase terminale, faire preuve de discernement, exprimer clairement et à plusieurs reprises leur souhait de mourir, fournir des rapports médicaux indiquant le diagnostic et les traitements essayés, et être capables d’accomplir le dernier acte qui entraîne la mort. Au Canada, en Suisse, en Espagne, en Belgique et aux Pays-Bas, un diagnostic terminal n’est toutefois pas obligatoire.
- Belgique : depuis la légalisation de l’euthanasie en 2002, la Belgique compte une moyenne de 1400 demandes par an, avec un pic en 2013 de 1807 cas, dont 67 pour des motifs psychologiques.
- Luxembourg : le Luxembourg fut le troisième Etat européen à décriminaliser l’euthanasie en 2008. Les patients en phase terminale ont l’option de l’euthanasie après avoir reçu l’approbation de deux médecins et d’un panel d’experts.
- France : malgré plusieurs affaires très médiatisées, et le soutien d’une forte majorité de la population au droit de choisir sa propre mort, l’euthanasie reste interdite en France. Les corporations de médecins, allies aux milieux catholiques conservateurs, s’y opposent, et le Comité national consultatif d’éthique avait jugé en 2013 que la dépénalisation dans les pays voisins avait mené à des « abus ». En face, l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) se bat pour obtenir une loi qui serait calquée sur celle qui existe déjà en Belgique.
En janvier 2016, le Parlement a approuvé une mesure qui, tout en s’arrêtant avant l’euthanasie, permet aux médecins – mais à eux seuls – de décider de maintenir les patients en phase terminale sous sédation profonde continue jusqu’à leur décès, ce qui peut constituer une forme d’euthanasie passive. Cet arrangement ambigu a été présenté comme la « réponse française » aux problèmes de la fin de vie.
Suisse : le tourisme de la mort
Le Code pénal suisse de 1937 présente la particularité d’interdire spécifiquement « l’incitation ou l’assistance au suicide pour des motifs égoïstes » (art. 115). L’euthanasie active (appelée « homicide sur demande ») est également interdite, quels que soient les motifs. En revanche, par omission, le suicide assisté pour des motifs non égoïstes ne l’est pas. Concrètement, fournir les moyens de se suicider est légal, tant que le dernier geste, celui qui cause la mort, est accompli par la personne qui souhaite mourir.
Cette réglementation particulière a entraîné depuis longtemps l’apparition du phénomène dit du « tourisme de la mort ». Deux associations à but non lucratif, Dignitas en Suisse alémanique et Exit pour la Suisse romande, proposent depuis une vingtaine d’années d’accompagner vers la mort leurs membres qui en font la demande. Ceux-ci ne doivent pas forcement être en phase terminale : une maladie grave, physique ou mentale, peut être suffisante.
Fin 2020, Dignitas avait aidé 3248 personnes à mourir dignement, soit à leur domicile en Suisse, soit dans un des logements que l’association possède dans la région zurichoise. Les étrangers sont nombreux à recourir ses services: en 2015, sur les 752 personnes accompagnées par Dignitas (330 hommes, 422 femmes), 60% venaient d’Allemagne. Au total, près de 400 Britanniques sont venu se donner la mort en Suisse depuis 1998.
En Suisse romande, l’hôpital universitaire de Lausanne (CHUV) autorise depuis 2015 les suicides assistés. Cet acte médical est encadré par l’association Exit. En 2017, sa trentaine d’accompagnateurs ont pratiqué 286 suicides assistés, contre 17 en 20011.
Le Chou Brave 39, “Mort ou vif”, mars 2022