Neutrinos : l’énergie de l’infiniment petit
Une mystérieuse société allemande affirme être sur le point de produire des dispositifs capables de convertir en énergie le spectre invisible du rayonnement solaire.
Les neutrinos sont un type de particule élémentaire, présents dans tout l’univers. Ils n’ont aucune charge électrique, et on a longtemps considéré qu’ils n’avaient pas non plus de masse. Pendant des décennies, leur existence même n’était que théorique, utilisée dans les équations des physiciens pour équilibrer les réactions/équations du point de vue de la charge. Parce qu’ils sont si difficiles à saisir, on parle aussi de « particules fantômes ».
Des découvertes récentes ont cependant montré que les neutrinos non seulement existent bel et bien, mais ont une masse, si infime – infiniment plus faible encore que celle des électrons – qu’ils n’interagissent que très rarement avec la matière et peuvent ainsi traverser à une vitesse proche de la lumière des planètes entières sans heurter un seul atome.
Comme les photons, les neutrinos sont produits par le soleil. On estime que 60 milliards de neutrinos provenant du soleil traversent à chaque seconde chaque centimètre carré de la surface terrestre, y compris notre propre corps.
Comment tirer profit de particules si infiniment petites que mêmes les atomes ne les freinent pas? Les physiciens considèrent généralement cela comme une impossibilité, mais l’étrange société Neutrino Energy, enregistrée sous le nom de Neutrino Inc. aux États-Unis et Neutrino Germany GmbH en Allemagne, affirme qu’elle serait sur le point d’y parvenir.
Recharger les batteries à partir du vide
Neutrino a été fondée en 2015 par l’homme d’affaires allemand Holger Thorsten Schubart. Apres avoir fait fortune dans la construction et l’immobilier suite à la réunification du pays, Schubart a semble-t-il décidé d’investir dans la recherche sur les neutrinos, dans lesquels il affirme voir une source d’énergie potentiellement infinie, disponible partout et tout le temps – la solution future à tous les problèmes énergétiques de l’humanité. En un mot, Schubart veut charger les batteries à partir de l’insaisissable.
La technologie de Neutrino Energy serait basée sur des couches ultrafines de graphène et de silicium, qui dégageraient une charge quand elles sont collées à un substrat métallique qui « vibre » lorsqu’il est frappé par des neutrinos. Le groupe affirme coopérer avec une centaine de chercheurs dans le monde dans le but de convertir le spectre de rayonnement invisible du soleil, dont les neutrinos, en puissance électrique, et de mettre cette technologie sur le marché.
L’”évolution naturelle” de l’énergie solaire ?
Sur ses (multiples) sites, Neutrino rappelle a juste titre que si l’énergie photovoltaïque a été découverte au milieu du XIXe siècle, ce n’est que plus d’un siècle plus tard que les panneaux solaires ont trouvé leur première application pratique, dans l’exploration spatiale. Et même alors, les critiques rejetaient l’idée qu’ils pourraient un jour servir de sources d’énergie fiables sur Terre. Aujourd’hui bien sûr, l’énergie solaire est devenue une industrie pesant plusieurs milliards de dollars.
Alors, l’énergie des neutrinos représenterait-elle l’évolution naturelle de l’énergie solaire, comme l’affirme Neutrino Inc.? La lumière du soleil étant visible et chaude, c’est évidemment la fréquence du rayonnement solaire la plus évidente pour produire de l’énergie, mais le neutrinovoltaïque pourrait – en théorie, toujours – s’avérer plus pratique pour la production d’énergie. Contrairement à la lumière, les neutrinos traversent la Terre et ressortent de l’autre côté, donc pourraient, théoriquement, continuer de charger un système en continu, même en pleine nuit – par le sol.
Schubart doit bien admettre que les dispositifs neutrinovoltaïques ont encore bien du chemin à parcourir avant de pouvoir être, un jour et éventuellement, mis en œuvre. Mais il se dit convaincu que tout comme les cellules photovoltaïques, cette technologie sera finalement acceptée comme une solution viable aux besoins énergétiques mondiaux. Et de citer Einstein : « Si l’idée ne semble pas a priori absurde, elle est sans espoir. »