Renens, la folie des grandeurs?
- D’ici à 2020, l’Ouest lausannois accueillera près de 30’000 nouveaux habitants.
- A coup de grands chantiers, Renens s’y prépare: la banlieue souhaite se transformer en ville.
- La syndique Marianne Huguenin a fait le pari de la culture. Un choix qui semble faire l’unanimité.
«Investir dans la culture, c’est aussi une façon dynamique de répondre à la crise. D’autres villes, comme Liverpool, ont rebondi en transformant leurs structures industrielles en espaces culturels. Ici, la création de l’ECAL, une ancienne usine devenue école d’art, en est un bon exemple…»
Comparer Renens avec la ville des Beatles, il fallait oser. Il est vrai que Marianne Huguenin, syndique POP de Renens, a de grandes ambitions pour «sa» ville. Après tout, celle-ci a bien été sacrée «Capitale culturelle» (suisse, en 2006) deux ans avant Liverpool («Capitale européenne de la culture» 2008)…
Ouvert depuis janvier, le chantier de la place du Marché se prolongera jusqu’en octobre 2010. Pour l’heure, le futur cœur de Renens n’est qu’un immense trou béant où rugissent les pelleteuses. A deux pas, la gare centenaire attend son tour, prévu pour 2011, et l’arrivée du M3, qui reliera le Flon à Bussigny. Un peu plus loin, à la ferme du Tilleul, les travaux du mystérieux «Autre Musée» ont déjà commencé.
Renens est en pleine crise de croissance. D’ici à 2020, l’agglomération Lausanne-Morges devrait accueillir jusqu’à 40’000 nouveaux habitants, dont les ¾ s’établiront à l’Ouest. Dopé par la perspective de cette explosion démographique, Renens se voit déjà en Liverpool-sur-Broye, et investit: la Municipalité, à majorité de gauche, vient de demander une enveloppe supplémentaire de sept millions au Conseil communal. Renens, la folie des grandeurs?…
«C’est une autorisation de dépenser, ça ne veut pas dire qu’on va acheter, tempère Marianne Huguenin, qui est également présidente du SDOL, le «Schéma directeur de l’Ouest lausannois». Depuis le début de cette législature, nous avons acheté pour 4 millions de terrain ou d’immeubles, c’est vrai. Mais à peine plus d’un million pour la législature précédente, ce qui est très peu pour une ville de la taille de Renens. Non, on ne peut pas parler de folie des grandeurs. C’est une politique totalement justifiée de la part des pouvoirs publics que de se donner les moyens d’être des acteurs prépondérants dans le développement de la ville, en achetant à certains moments des immeubles ou des terrains stratégiques ou importants.»
Créer un cœur?
Plus que jamais, Renens voudrait«quitter l’étiquette peu adéquate de banlieue», selon les mots de sa municipale de l’urbanisme, Tinetta Maystre. Renens se rêve ville, structurée autour d’un vrai centre, vivant et convivial. Mais la réalité est ingrate, et tenace. Peut-on créer un cœur urbain de toutes pièces, là où il n’y avait pas grand-chose d’autre jusqu’ici qu’un parking à ciel ouvert, isolé entre une route de transit et une gare de triage?
«C’est vrai que Renens n’a pas de vieux centre historique, reconnaît Marianne Huguenin. Il y avait des usines à la place des centres commerciaux actuels. Mais cela fait quand même trente ans qu’une Place du marché existe à cet endroit! Et les chantiers futurs ont justement pour but de réduire ces obstacles. La rénovation de la gare permettra la construction d’une nouvelle passerelle au-dessus des voies ferroviaires. Et l’arrivée du tram impliquera tout un travail sur l’Avenue du 14-Avril, pour en faire une rue à double sens, et non plus une semi-autoroute qui coupe la ville en deux.»
«Décalé de la réalité»
Tous les Rénannais ne sont pourtant pas convaincus. «Est-ce que l’essentiel est vraiment d’avoir un nouveau centre Coop à Renens, en face de la Migros, à 200 mètres du magasin de la gare et à 15 minutes à pied du Léman Centre de Crissier?» s’interroge Marcos Drake, le très dynamique fondateur et enseignant de l’école d’arts martiaux du Cercle du Dragon, installé depuis 2006 à la rue du Midi. Quant au musée, «l’idée est sans doute bonne, mais totalement décalée par rapport à la réalité de Renens. Le public pour ce genre de choses n’existe tout simplement pas ici!»
«Le musée est encore un projet en construction, rétorque Marianne Huguenin. Le pari consistera exactement en cela: en faire un musée qui soit à la fois implanté au niveau d’une population, qui est celle de Renens mais plus largement celle de l’Ouest de l’agglomération lausannoise, et qui ait un rayonnement international. Nous, on y croit!»
L’insécurité, toujours
Pourtant Renens n’en a pas fini avec son image de ghetto ouvrier vaguement dangereux. Vitrines explosées, jet de cocktail Molotov, menaces, fermeture de l’«espace jeune» du CRA (Centre de rencontre et d’animation) et démission de son ex-coordinatrice Valeria Mainini, polémiques autour de la surmédiatisée «bande de la gare» et du sentiment d’insécurité dont la majorité de gauche aurait mis longtemps à reconnaître la réalité… Le Rassemblement du centre-droite de Renens (RCDR) vient de déposer une motion demandant que l’on profite de la rénovation de la gare et de ses environs pour y installer des caméras de surveillance. Sur le site de 24heures, un internaute s’emporte: «Depuis le temps que cette bande casse tout, nous vole, nous crame, marre!».
«C’est aussi ça la réalité de Renens, regrette Marcos Drake. Les familles de 4 à 6 enfants logées dans des trois pièces ne sont pas rares ici. Les jeunes sont dehors toute la journée. Comme ils n’ont même pas l’argent pour aller jusqu’à Lausanne, ils trainent dans les centres commerciaux, et plus tard autour de la gare, puisqu’il n’y a pas d’espaces verts. C’est peut-être ce qui manque le plus, d’ailleurs…»
«Comme dans toutes les villes de ce pays, nous avons bien sûr des problèmes avec une toute petite minorité de la jeunesse qui cherche sa place, parfois en cassant, soupire Marianne Huguenin. Renens ne prétend quand même pas être une ville idéale…»
Lausanne Cités / 30.04.2009